Cannabis : la France ne peut pas restreindre l’importation et la vente de produits CBD produits légalement dans l’UE

Cannabis : la France ne peut pas restreindre l’importation et la vente de produits CBD produits légalement dans l’UE

Salomé Lemasson de Rahman Ravelli détaille une décision de la Cour suprême française qui signifie que la France ne peut pas restreindre l’importation et la vente de produits à base de cannabidiol (CBD) produits légalement dans l’UE.

Le 23 juin 2021, la chambre criminelle de la Cour de cassation française a jugé que la détention et la vente de produits à base de cannabidiol (CBD) extraits de la plante de cannabis sativa dans son intégralité et produits légalement dans l’Union européenne ne pouvait être sanctionné pénalement. Avec cette décision historique, la Cour de cassation française a aligné sa jurisprudence pénale sur celle de la Cour de justice européenne.

La décision résultait d’une procédure pénale qui avait été ouverte pour délit de drogue, dans le cadre d’une enquête pour travail dissimulé relative à une boutique Foxseeds, au cours de laquelle la police a découvert des stocks de produits contenant du cannabis. Ces produits avaient été retirés de la vente d’un autre site Foxseeds, dans l’attente d’une procédure distincte mais similaire visant ce deuxième magasin.

Suite à cette découverte, le commerçant a été sanctionné en tant que « complice du délit de possession, d’offre ou de vente et d’acquisition de produits stupéfiants non autorisés » le 22 juin 2020, par la cour d’appel de Grenoble. La cour d’appel de Grenoble a estimé qu’en application de l’article R. 5132-86 du code de la santé publique et de son arrêté d’application du 22 août 1990, la production, l’importation et la vente de produits à base de CBD n’étaient autorisées que si ces produits des fibres et des graines de la plante de cannabis sativa et contenait moins de 0,20 % de delta-9-tétrahydrocannabidol (THC). Etant donné que les produits saisis provenaient des « sommités fleuries » de la plante, ils ne relevaient pas de l’exception prévue par l’article I de l’arrêté d’application du 22 août 1990.

Faire appel

Tant le procureur que l’accusé ont fait appel de cette décision devant la Cour suprême. Le défendeur a fait valoir que sa condamnation était illégale car elle violait les articles 34 et 36 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), tels qu’interprétés par la Cour de justice européenne (CJUE, 19 novembre 2020, C-663/18 , BS, CA).

Dans cette décision, la CJCE a estimé que « les articles 34 et 36 du TFUE doivent être interprétés comme excluant la législation nationale qui interdit la commercialisation du cannabidiol (CBD) légalement produit dans un autre État membre lorsqu’il est extrait de la plante de cannabis sativa dans son intégralité et non uniquement à partir de sa fibre et de ses graines, à moins que cette législation ne soit appropriée pour assurer la réalisation de l’objectif de protection de la santé publique et n’excède pas ce qui est nécessaire à cette fin.

La Cour de cassation française a donc estimé que la condamnation prononcée par la Cour d’appel de Grenoble était en contradiction avec la position défendue par la CJCE, étant donné que les juges n’avaient pas examiné (bien qu’ayant été invité à le faire) si les produits saisis avaient été fabriqués légalement en un autre État membre de l’UE.

En conséquence, la Cour de cassation a annulé la condamnation pour délit de drogue et a renvoyé l’affaire devant la Cour d’appel de Paris pour un nouveau jugement. En effet, la Cour de cassation française ne se prononce jamais sur les faits, mais uniquement sur l’application de la loi – d’où la nécessité de renvoyer l’affaire à une autre cour d’appel pour décision. La Cour d’appel reste théoriquement libre de statuer comme elle l’entend, y compris contre la position de la Cour de cassation française. Dans la pratique, cependant, il est rare que la Cour d’appel résiste à la jurisprudence de la Cour suprême.

Conclusion

Il ne fait guère de doute que la décision de la Cour de cassation du 23 juin 2021 donne des orientations sur la commercialisation des produits CBD en France – des orientations attendues depuis longtemps. Mais techniquement, l’insécurité juridique demeure, avec l’application de l’arrêté d’application du 22 août 1990 applicable à l’article R. 5132-86 du code de la santé publique. Le CBD est principalement contenu dans la fleur et les feuilles de la plante de cannabis sativa, pourtant le texte n’autorise l’extraction qu’à partir des fibres et des graines de la plante. Il reste à voir si la cohérence jurisprudentielle européenne et française saura convaincre le législateur français de renforcer le cadre juridique applicable à l’activité croissante des produits CBD.